Point de Presse de la Mission d’investigation sur le processus préélectoral dans la Région de Tillabéri dans le cadre du projet « Consolidation de la Paix » (PBF), CNDH-FNUAP.
Dans le cadre de la mise en œuvre du projet d’appui à la CNDH (PBF) financé par le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP), la CNDH a entrepris du 17 au 24 septembre 2020 une mission d’investigation sur le processus préélectoral dans les régions de Tillabéri, Agadez, Maradi et Zinder en vue de :
Faire le monitoring de l’établissement des pièces d'état civil à l'occasion des audiences foraines ;
Faire le point sur l'enrôlement biométrique.
A travers cette mission la CNDH entend contribuer à la réalisation d’élections libres, transparentes et inclusives.
En ce qui concerne la Région de Tillabéri, pour des raisons sécuritaires et n’ayant pas d’escorte militaire pour assurer sa protection, la mission a dû faire un échantillonnage. Ainsi sur les 13 départements, six ont été ciblés. Il s’agit de Tillabéri, Ouallam, Téra, Gotheye, Torodi, et Say.
La mission de la CNDH a eu des séances de travail avec les autorités régionales, départementales, les élus locaux, les responsables des services techniques compétents, les partis politiques, les OSCs et les leaders d’opinions.
Constatations
Ces séances de travail ont permis à la mission de relever les manquements observés et les difficultés rencontrées dans le processus préélectoral.
La Région de Tillabéri a cette particularité de connaitre une situation sécuritaire difficile due au phénomène de terrorisme qui prend de plus en plus de l’ampleur.
Malgré cette situation d’insécurité, à l’issue des investigations sur le déroulement des audiences foraines et de l’enrôlement biométrique, certaines communes ont connu une sensible augmentation du nombre de citoyens enrôlés, c’est le cas des communes urbaines de Tillabéri et de Ouallam.
Mais, la mission a également fait le constat du non enrôlement de plusieurs villages de certains départements et communes, tels que Abala, Tondikiwindi, Inates, Torodi, Kokorou, Makonlondi et Anzourou. On peut noter par exemple pour la commune de Torodi où sur 225 centres d’enrôlement, 153 seulement ont été opérationnels.
En outre, même là où il y’a eu enrôlement, il a été constaté une régression en nombre de centres mais aussi en nombre de personnes enrôlées par rapport aux élections de 2016. Pour les centres, c’est le cas de la commune de Dargol avec 215 centres en 2015 pour 95 centres en 2020. S’agissant du nombre d’électeurs, c’est le cas des communes urbaines de Téra avec 31.632 électeurs en 2016 contre 30.047 en 2020 et celle de Torodi avec plus de 50.000 en 2016 contre 33.016 en 2020.
Il a été relevé par ailleurs beaucoup de difficultés similaires à quelques exceptions près dans toutes les localités visitées. On peut citer par exemple :
L’inaccessibilité de certaines localités due à l’insécurité,
le refus de certains agents enrôleurs et FDS commis à cet effet, de se rendre sur certains sites d’enrôlement du fait de la psychose sécuritaire ;
le blocage des cahiers d’état civil au niveau de certaines juridictions à cause du non-paiement des indemnités de signatures aux juges ou à l’affectation de certains d’entre eux ;
la non prise en charge des agents transcripteurs, présidents des Commissions Administratives (CA) et de leurs rapporteurs par la CENI, malgré l’existence des arrêtés les nommant ;
démission de certains partis politiques tout bord confondu ainsi que les autres parties prenantes dans leurs missions de sensibilisation de la population sur les enjeux des audiences foraines et de l’enrôlement ;
Le problème de compétence territoriale de certains juges pour l’établissement des pièces d’état civil des Personnes Déplacées Internes (PDIs), du fait de l’insécurité dans leurs zones d’habitat ;
le sentiment d’exclusion chez certaines OSCs dans le processus préélectoral ;
Les problèmes techniques liés aux appareils d’enrôlement ;
l’insuffisance de collaboration entre les parties prenantes au processus d’établissement des pièces d’état civil et de l’enrôlement biométrique.
Recommandations :
- Organiser de nouvelles audiences foraines en vue de couvrir les zones non encore enrôlées ;
- Renforcer le dispositif sécuritaire permettant aux zones inaccessibles de bénéficier des audiences foraines pour d’éventuel enrôlement dans le cadre d’un ratissage;
- Payer les indemnités dues aux juges et aux agents des Commissions Administratives ;
- Informatiser le système d’enregistrement des pièces d’état civil pour remédier aux problèmes des doublons;
- Impliquer les OSCs et les autres parties prenantes sans exclusion dans le processus électoral ;
- Résoudre les problèmes techniques liés aux appareils d’enrôlement ;
- Prendre les dispositions nécessaires afin de rapprocher les centres d’enrôlements et les bureaux de vote des populations excentrées.
Fait à Tillabéri, le 24 Septembre 2020